En leur âme est conscience

Loin du mouvement perpétuel ,  très loin de l'univers, une espèce se prétend humaine. Et pourtant, elle vit souvent dans le plus grand mépris de l'esprit qui la distingue du vaste champ de la chimie organique.

Quand par le passé, ceux dignes de foi parmi les hommes d'église suggéraient à autrui la vigilance, que faisaient-ils sinon rappeler que l'esprit de l'homme peut gouverner plus que lui-même. L'homme est l'âme indivise du corps social. Et aux conditions d'un esprit en éveil, tout être humain représente davantage que son enveloppe charnelle. Mais supprimez cette âme indivise, et aussitôt le corps social perd la foi, comme guillotiné et condamné à une vie végétative. Et pour combattre ce coma social, le vocabulaire de la religion a progressivement été supplanté par une exhortation en des termes républicains et plus réalistes. On ne parle plus à présent de "vigilance", ni d'éveil ou de renaissance. Ce vocabulaire de la mystique sonne désormais aussi creux que des vieux concepts éculés, et qui ont trop apporté leur concours à une volonté mystificatrice. Si bien que de nos jours, on n'ose plus parler avec grandiloquence de pureté de l'âme ou de plénitude, et on s'exprime de préférence avec une éloquence plénière, par référence aux réunions dont tous les membres sont aussi bien présents, que représentants de la vigueur pérenne du corps social. En quelque sorte, l'âme indivise est ce nirvâna plénipotentiaire des élus qui se succèdent, et tous les élus sont des locos que le corps social a bien en tête, sans plus jamais dire amen, mais "a voté".

Ceci étant dit, il ne faudrait pas oublier qu'avant ou après l'émergence de l'idéal républicain, l'âme indivise et intuitivement portée vers la plénitude exècra et execre toujours le manque. Autant croire que cette âme paie cash ses étourderies, son manque de vigilance ou de civisme, et même son manque de talent la stigmatise, l'anathémise et la désolidarise. Or, celui qui prévoit le salut de l'humanité et comme celui qui le prévoyait, mystique pour ne pas être mystificateur, s'exerçant au pouvoir pour ne pas trop l'exercer. Homme pieu et digne de foi, car en fait, mieux vaut un homme d'église compétant et sincère, qu'un piètre bigot tombé en politique.