Sommets

Et  comme on dit chose promise, chose due, voilà le sujet de dissertation en vigueur. Tout se passe un peu comme si je vous avais dit, en guise de punition, vous me copierez cent fois : " les gros pouvoirs d'achat attirent les prix vers le haut". Et je suis sûr que même si vous vous en fichez complètement, à force de vous la répéter en l'alignant cent fois, cette petite phrase deviendra pour vous aussi obsédante qu'une ritournelle trop souvent entendue à la radio. C'est une question de méthode, et la démagogie a la sienne. Une méthode qui consiste à se répéter la même phrase le plus souvent possible, et aussi sommairement qu'un marteau qui sauterait d'un clou à l'autre, pour bien les enfoncer dans la boîte crânienne du bon peuple.

Mais un sujet de dissertation est-il fait pour endoctriner le peuple, ou pour l'éduquer ? Si j'ai bonne mémoire, au moment d'avoir à passer le baccalauréat, l'épreuve de dissertation (de français) a lieu un an avant toutes les autres. Il s'agit d'une dissertation à fournir en quatre heures maximum. Et si mes souvenirs son les bons, déjà à l'époque c'était moi le meilleur : je suis sorti de la classe deux bonnes heures avant les autres candidats, record en poche que je détiens encore, mais conclusion faite, avec beaucoup de recul, que le gain de temps c'est de l'argent, mais c'est pas forcément des meilleurs notes.

Une dissertation, c'est pourtant pas bien difficile, en admettant que de solides études, ou qu'une expérience désenchantée de l'existence, puissent donner les mêmes raisons de penser. Auxquels cas une dissertation, c'est avant tout un plan à bâcler en soixante minutes réveil en main, parce qu'il faut trois heures ensuite, pour raturer le brouillon de cette dissertation, et pour en développer au propre la copie à rendre.

Alors premièrement, le plan. Quoique tout d'abord, mieux vaut prendre connaissance du sujet de la dissertation. Admettons que ce soit : "seul les imbéciles ne changent pas d'avis". Voilà un sujet remarquable, qui permet justement , aussitôt aprés avoir pensé qu'il était remarquable, de le trouver absolument insignifiant. Seul les imbéciles ne changent pas d'avis, d'accord, c'est facile à dire, mais c'est moins facile dans la pratique, notamment lors de circonstances bien précises. Par exemple comme lorsqu'on se trouve en face d'un triangle. En ce qui me concerne, je crois que le nombre de côtés d'une figure géométrique est invariable, et quitte à passer pour un imbécile, je ne changerai jamais d'avis là-dessus. Sauf les angles de vue peuvent changer, ils évoluent les un par rapport aux autres, ils se complètent comme les angles d'un triangle. Mais pour réduire l'imbécilité à sa portion congrue, le degré le plus obtu du sens figuré doit atteindre les sommets de combien de triangles ?